LE MUR DES AUTRICHIENS

Claude Janin

 

 

En cette nuit de printemps du 26 mars1814, l’air est frais. Un groupe armé, est dans l’incertitude.

 

  • Ils ne devaient pas être plus de 130. et ils sont au moins quatre cent… Regardez, il y a au moins cinquante feux sur la colline.

  • Et nous on est à peine plus de quarante …

  • Que fait-on ?

  • Retournons sur Roanne… on reviendra plus nombreux…

 

Qui sont-ils ? Une petite troupe de gardes basés à Roanne, renforcés par des mariniers et des habitants de St Symphorien de Lay. Montés discrètement par des chemins de traverse passant par Pradines et Régny, ils ont décidé de venir défier une troupe de hussards hongrois installés en bordure de la Route Royale, au-dessus de la Verpillère à St Symphorien de Lay.

 

Suite à la défaite de Napoléon, les autrichiens ont commencé à envahir la France et occupent déjà Lyon. Ils cherchent maintenant à progresser vers Clermont-Ferrand. Mais la ville de Roanne, en bordure d’un des seuls ponts traversant la Loire, est un obstacle à franchir. Le bataillon de hussards en poste avancé est donc là pour tester la résistance de Roanne à leur passage. Depuis quelques jours ils font des incursions à proximité des bords de Loire, provoquant la décision de la garde Roannais de venir les cueillir à leur campement.

 

Mais revenons aux faits. Pendant que le groupe d’assaillants hésite, les évènements décident pour eux. Pendant la discussion deux baïonnettes s’entrechoquent par mégarde… le bruit clique dans la nuit. Les sentinelles autrichiennes étaient aux aguets… Il faut dire que la marche du groupe avait été accompagnée des aboiements des chiens des fermes situées le long de leur chemin.

 

Une sentinelle autrichienne crie deux fois : « Wer da, wer da ? »

Un des membres du groupe d’assaillants, Butignot, comprend l’allemand  pour avoir fait des campagnes en Allemagne répond :

« Freunde ». Ami !

 

Sa réponse n’est guère convaincante. En retour une balle traverse le chapeau du guide dénommé  Depierre. Le Sr. Thiodet armé d’un fusil double, riposte et couche dans la boue la sentinelle qui vient de tirer. Le combat est engagé. Le Commandant Faure divise sa petite troupe en deux pelotons pour attaquer le campement des hussards dans le pré. Le premier, placé en avant, tente une diversion sur la droite des Autrichiens. En arrière un autre groupe est en attente. Tout  près deux tambours ont reçu l’ordre de battre bruyamment la charge à un signal donné.

Mais Faure aperçoit un groupe de cavaliers établi dans la remise de l’hôtel Flandre.

« Vite, quelques volontaires avec moi ! »

Il entre le premier une carabine à la main. Un Autrichien l’ajuste avec son pistolet à bout portant. Heureusement un des volontaires réagit et fait dévier le bras du cavalier avec son fusil et lui enfonce sa baïonnette dans le ventre. M. Faure et ses hommes désarment alors sans résistance les six autres Hussards qui se préparaient à monter à cheval et les font prisonniers.

 

Une fois les cavaliers de l’auberge neutralisés, le groupe rejoint les autres volontaires pour attaquer les fantassins autrichiens campés dans le pré. Pour faire croire à une troupe importante, le Cet Faure disperse les assaillants. La fusillade commence ; la distance étant très rapprochée les Roannais tirent à coup sûr. Ils voient parfaitement les hussards à cause de ses feux de bivouac. Or ces derniers sont éblouis par ces mêmes feux et leurs tirs sont plus imprécis. Malgré plusieurs décharges aucun des volontaires n’est atteint d’autant plus qu’ils sont protégés par la haie entourant le pré. Soudain, au signal du commandant, les tambours battent furieusement la charge.

Les Autrichiens se croyant attaqués par toute la garnison de Roanne, s’enfuient en désordre, saisis d’une véritable panique, laissant sur place sacs, armes, bagages et provisions. Le Commandant Autrichien, le Major Fack, surpris dans son sommeil, se sauve à peine vêtu par la fenêtre d’un fenil.

 

La fusillade, le roulement du tambour, la fuite des Autrichiens ont tour à tour, ému et rassuré les habitants de St-Symphorien. L’un deux nommé Ardaine est bien connu à Roanne, où il est venu plusieurs fois au péril de sa vie, apporter des renseignements sur les mouvements et les forces de l’ennemi. N’entendant plus de coups de feu il sort devant sa porte et reconnait les assaillants.

  • Vous êtes nombreux ?

  • Une cinquantaine.

  • Dans ce cas partez vite.  L’escadron autrichien posté le long de la route de Roanne va arriver. j’ai vu un cavalier partir au galop pour les prévenir.

 

Suivant ce prudent conseil les volontaires repartent par la route de Régny. Ardaine lui, a été vu par un cavalier blessé causant avec les deux volontaires. Dénoncé par celui-ci, deux jours plus tard, lorsque ces cavaliers reviennent à la Verpillière, il est fusillé.

 

Le lendemain du combat, la réaction autrichienne est d’ampleur. 10 000 hommes sont prêts à  investir Roanne et les conditions posées par le commandement autrichien pour accepter sa reddition sont à  la hauteur du camouflet reçu la veille : livraison des participants au raid de Saint Symphorien, deux heures de pillage, internement de la garnison.

 

Le Maire,François Populle fait front, crânement. « Vos soldats ne sont pas encore maîtres de Roanne. Ils demandent deux heures de pillage ! Nous répondrons par deux heures de tocsin. 20 000 paysans armés accourront à  notre secours et alors on verra».

Pour donner corps à  la menace d'une résistance acharnée, canons et troupes sont déplacés le long du passage du plénipotentiaire autrichien pour le persuader que la ville est puissamment défendue. La ruse a t-elle fonctionné ? Toujours est-il que les autrichiens acceptent la reddition de  la ville et renoncent à leurs exigences. Mais le haut commandement allié ne craignait-il pas surtout la destruction du pont en bois stratégique du Coteau, ?

Que reste-t-il de cette éphémère bataille ?

Sur les lieux mêmes, un mur, appelé le Mur des Autrichiens, et qui est supposé être une des fortifications du camp.

A Roanne, sur le monument de l'hôtel de ville, ultérieurement érigé, une plaque en bas relief rappelle la bataille de St Symphorien.

 

 

Sources :

 

Le Mur des Autrichiens. B Lacroix. CDP

Roger Garnier (ST-SYMPHORIEN-DE-LAY 1814 – 1816)

R Chorgnon. Les Autrichiens à Roanne