Dartagnan de passage à La Fontaine.
Claude Janin
En ce jour de décembre 1671 le temps est beau, le ciel est découvert. Sur la route Royale de Paris à Lyon, la circulation n ' est pas très dense . Au relais de la Fontaine, proche du Col du Pin Bouchain, un convoi vient de s ' arrêter dans la cour . Jean Dumolin Maître de Poste voit s'encadrer dans la porte un cavalier au large chapeau vêtu d ' une cape aux bordures galonnées d ' argent au bas de laquelle pointe le fourreau d ' une longue épéee. Pas de doute c ' est un mousquetaire de sa Majesté. Le soldat demande à ce que l ' on change rapidement les deux chevaux de tête. Suivi de deux valets , l ' aubergiste se ·rend aux écuries. Dans la cour , une compagnie de mousquetaires entoure un lourd carrosse attelé de huitchevaux. Détail inhabituel personne n ' en descend , et de surcroît les rideaux sont baissés. Le changement de chevaux étant fait, un ordre sec tombe « en route". Le fouet claque, et le lourd carosse se met en marche, encadré des mousquetaires. Le soldat qui vient de commander le départ n' est autre que Charles de Batz, autrement nommé D’Artagnan.
De quel livre d’Alexandre Dumas est extrait ce texte ? Je n’en ai pas le souvenir …
Ce n’est pas de l’Alexandre Dumas, mais du Gabriel Fouillant, historien qui a été membre des Chemins du Passé. C’est ainsi qu’il narre le passage présumé de Dartagnan et de ses Mousquetaires au Relais de La Fontaine, situé alors au bord de la Route Royale et aujourd’hui sur la commune de Machézal.
Et tout ça est-il vrai ?
Plusieurs choses sont sures. Route Royale et Auberge de La Fontaine existaient. Ils sont sur les cartes de l’époque, carte de Cassini ou de Trudaine. Et ils font toujours partie du paysage. Le Hameau de La Fontaine se voit depuis la RN7 deux kilomètres avant d’arriver au Pin Bouchain en venant de Roanne.
Ce relais, encore appelé « Auberge des Trois Roys », fait partie du réseau des relais de poste aux chevaux, dont chacun était sous la responsabilité d’un maître de poste. Ces relais jalonnant les routes royales ont été mis en place sous l’autorité de Louis XI. Celui-ci souhaitait mettre en place un service de courrier permettant à tout envoi d’arriver à destination rapidement. Toujours au galop, les chevaucheurs royaux chargés de porter ces courriers devaient pouvoir changer fréquemment de monture. Ils pouvaient ainsi trouver des chevaux frais dans les relais de poste aux chevaux qui s’égrenaient environ tous les 20 à 25 km.
D’accord pour le relais. Mais D’Artagnan est-il réellement passé par là ?
Concernant le passage de ce convoi, une note officielle atteste de son passage sur la Route Royale.
"Le 5 décembre 1671, le Marquis de Peiguilin, capitaine aux gardes, mary présomptif de Mlle de Montpensier cousine germaine du Roy , passait icy (à Roanne), prisonnier dans un carrosse de louage à huit chevaux , sous la garde de M . Dartaigan accompagné de sa compagnie des grands mousquetaires à chevaux blancs , qui le conduisent dans la citadelle de Pignerolle o ù est M. Fouquet prisonnier , cy devant procureur général et puis surintendant des finances. L 'on ne scait pas encore de q uoy ledi t Péguilin est accusé • • • ».
Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que Monsieur de Peiguillin, encore appelé de Lauzun, était homme de confiance de Nicolas Fouquet, lui-même surintendant du Roi Louis XIV. Celui-ci le disgracia et le fit emprisonner. Il l’accusait de puiser dans les caisses de l’État pour ses besoins personnels, notamment pour construire son Château de Vaux le Vicomte. Faits réels ou simple jalousie ? Le Roi en effet aurait pris ombrage de ce collaborateur qui affichait ses richesses et construisait une demeure au moins aussi somptueuse que les demeures royales. Toujours est-il que Mr de Lauzun, arrêté à son tour, est passé par la Route Royale de Paris à Lyon pour rejoindre Nicolas Fouquet dans sa prison de Pignerol.
Et la scène à La Fontaine a-t-elle réellement eu lieu?
Il n’en existe pas de preuves. Mais elle est plausible. Il est logique en effet qu’arrivant au bout de la montée du Pin Bouchain, le convoi ait eu besoin de chevaux frais dans son attelage. Gabriel Fouillant a donc certainement imaginé cette scène à partir de traces historiques avérées et de faits plausibles, pour rendre l’histoire plus vivante. Et il a réussi.
D’apès : Gabriel Fouilland et al « La traversée des Monts de Tarare »